Sortie en salle : 26 Mai 1993
Par Ebbe Roe Smith
Avec Michael Douglas, Robert Duvall, Barbara Hershey
Synopsis :
Un Américain, que rien ne distingue d'un autre, patiente interminablement dans l'habitacle de sa voiture individuelle, immatriculée «D-Fens», coincée dans un énorme embouteillage à Los Angeles. Il fait une chaleur torride. Une mouche bourdonne. L'homme comprend qu'il accumule un retard tel qu'il n'arrivera pas à temps pour l'anniversaire de sa fille. Pris de fureur, il quitte sa voiture et tente de faire le chemin à pied. Il ne tolère aucun obstacle. Il dévaste une épicerie, se bat avec des voyous, met la main sur un arsenal, mitraille à tous vents et ne laisse pas une cloison debout d'un fast-food. L'inspecteur Prendergast le prend en chasse. Une illustration au montage parfaitement maitrisé des contradictions et des violences tapies au coeur de notre civilisation.
Critique du film :
Joël Schumacher nous entraîne dans les profondeurs de Los Angeles, une ville gangrenée par l'insécurité, et, à travers elle, nous offre un miroir de la déliquescence de la société américaine. Le personnage de William Foster, alias « D-FENS », magnifiquement interprété par Michael Douglas, incarne un homme perdu, broyé par les rouages d'un système économique et financier déshumanisé. Au fil de ses errances, il sombre progressivement dans une spirale de violence, atteignant le paroxysme de ses actions destructrices.
Ce film évoque immanquablement le cycle de l'absurde tel qu'exprimé par Albert Camus dans quatre de ses œuvres majeures : le roman L'Étranger et l'essai Le Mythe de Sisyphe (1942), ainsi que les pièces Caligula et Le Malentendu (1944). Selon l'analyse camusienne, l'Homme, en renonçant à toute forme de croyance transcendante, prend conscience que son existence est faite d'actes répétitifs, vidés de sens. La certitude de la mort renforce ce sentiment d'inutilité de l'existence. L'absurde, chez Camus, est ce ressenti de l'Homme face à l'absence de sens dans l'univers, une prise de conscience douloureuse de son isolement dans un monde qui lui échappe. Dès lors, se pose la question de la légitimité non seulement du suicide, mais aussi du meurtre.
Face à Foster, l'inspecteur interprété avec finesse par Robert Duvall incarne l'antagoniste. Là où Foster s'enfonce dans la désillusion, l'inspecteur parvient, grâce à ses croyances et à sa résilience, à affronter les épreuves personnelles qui jalonnent sa vie.
Chute libre est une œuvre marquante qui invite le spectateur à une réflexion profonde sur la condition humaine, et sur le sens que chacun peut donner à sa propre existence dans une société dominée par un système productiviste, où l'Homme n'est plus au centre, contrairement aux idéaux humanistes prônés par les philosophes.
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